terça-feira, 20 de março de 2012

TOUT EST CALME SUR LE FRONT SUD

18 mars 2012, Association France Palestine Solidarité http://www.france-palestine.org (France)

Uri Avnery אורי אבנרי

Cela a com¬mencé par l’assassinat (ou“élimination ciblée”) d’un diri¬geant (“terroriste”), inconnu jusqu’ici, de la résistance palestinienne dans la bande de Gaza.

“Qu’as-tu appris à l’école aujourd’hui, mon fils ?”

“Il n’y avait pas école aujourd’hui. Il y a une situation d’urgence !”

“Et quel enseignement en as-tu retiré, mon fils ?”

EN RÉALITÉ, VRAIMENT beaucoup de choses.

Le “round” de cette semaine, comme aime à le dire l’armée, s’est déroulé suivant un scénario bien établi, aussi for¬malisé qu’un rituel religieux.

Cela a com¬mencé par l’assassinat (ou“élimination ciblée”) d’un diri¬geant (“terroriste”), inconnu jusqu’ici, de la résistance palestinienne dans la bande de Gaza.

Les Palestiniens ont riposté par une pluie de missiles pendant quatre jours entiers. Plus d’un million d’Israéliens dans le voi¬sinage de Gaza ont arrêté le travail pour rester avec leurs enfants près de leurs abris ou de “zones protégées” ( c’est-à-dire rien de plus que des pièces relativement sûres de leurs maisons.) Un million d’Israéliens, c’est l’équivalent d’environ 10 millions d’Allemands ou de 40 mil¬lions d’Américains, rapporté à la population.

Une partie de ces roquettes ont été interceptées en vol par les trois batteries de la défense antimissiles “Dôme de Fer”. Il y a eu quelques blessés israéliens et quelques dégâts matériels mineurs, mais aucun mort israélien.

Des avions israéliens avec et sans pilotes ont frappé, provoquant la mort de 26 Palestiniens dans la bande de Gaza.

Au bout de quatre jours et quatre nuits, les deux parties en ont eu assez, et des médiateurs égyptiens ont obtenu un Tahdiyeh (“calme” en arabe).

Tout cela comme d’habitude.

À L’EXCEPTION des détails, cela va de soi.

Tout a commencé par l’assassinat d’un certain Zuhair al-Qaisi, le secrétaire général des “Comités populaires”. Il remplissait cette fonction depuis seulement quelques mois.
Les “Comités populaires” représentent un groupe mineur de résistance/terrorisme, le troisième en taille dans la Bande. Ils sont éclipsés par le Hamas, qui n’a pas participé à ce round, et par le “Jihad isla¬mique” qui a pris fait et cause pour les “Comités”et lancé la plupart des roquettes.

Le nombre des lancements a été une surprise. Pendant quatre jours, 200 roquettes ont été lancées – une moyenne de 50 par jour. 169 sont tombées en Israël. Il n’y a eu aucun signe d’épuisement du stock du Jihad. Le Hamas, naturellement, est une organisation beaucoup plus importante, disposant d’un arsenal bien plus fourni. Dans la bande de Gaza, on peut estimer qu’il y a actuellement des quantités considérables de missiles, les plus sophistiqués d’entre eux étant pour la plupart fournis par l’Iran. On peut seulement imaginer comment ils ont fait le long parcours.

On peut estimer que dans le Liban Sud sous domination du Hezbollah, les stocks de mis¬siles sont encore plus importants.

De l’autre côté (le nôtre) le Dôme de Fer a remporté un grand succès, source de grande fierté pour le fournisseur, l’armée et le pays de façon générale.

C’est un système complexe, de fabrication israélienne, qui a suscité au départ beaucoup de scepticisme. C’est pour cette raison qu’il n’y a pour le moment que trois batteries en action, chacune protégeant une ville (Ashkelon, Ashdod, Beer Shéva).

Une quatrième batterie est programmée pour une livraison à court terme.

Le système n’intercepte pas toutes les roquettes, ce qui serait excessivement coûteux. Au lieu de cela, le système lui-même calcule si une roquette va tomber en terrain inoccupé (et peut être négligée) ou dans une zone habitée (lorsque l’intercepteur serait lancé), tout cela en quelques secondes. En conséquence, plus de 70% des roquettes ont été interceptées et détruites, une grande réussite de l’avis général.

Le problème, c’est qu’une roquette palestinienne coûte seulement quelques centaines de shekels, alors qu’un seul missile de Dôme d’Acier coûte 315 mille shekels. Pendant les quatre jours, 17,6 millions de shekels ont été dépensés par Israël pour ces missiles. Cela sans compter le prix très élevé des batteries elles-mêmes.

Les sorties de l’armée de l’air sur la bande de Gaza coûtent encore plusieurs dizaines de millions de shekels – une heure de vol coûte quelques 100 mille shekels (presque 18.000 euros).

La première question à se poser était donc : l’ensemble de l’exercice en valait-il la peine ?

Les Israéliens se posent rarement de telles questions. Ils pensent que ceux qui sont aux affaires savent ce qu’ils font.

Mais le savent-ils ?

Tout repose sur la nécessité de tuer al-Qaisi, même pour ceux qui croient que de telles exécutions représentent une solution.

Al-Qaisi n’occupait la fonction de dirigeant des “Comités Populaires” que depuis l’assassinat de son prédécesseur dans des circonstances semblables. On lui trouvera facilement un remplaçant. Il sera meilleur ou pire, mais cela ne fera guère de différence.

Le ministre de la Défense, Ehoud Barak, a fourni une explication étrangement alam¬biquée à l’assassinat : (al-Qaisi) était l’un des chefs des Comités Populaires qui préparaient, semble-t-il, une importante attaque. Je ne suis pas encore en mesure de dire si cette attaque a été évitée.” Il le semble. Je ne suis pas capable de le dire.

On a dit officieusement qu’al-Qaisi aurait pu être impliqué dans l’envoi d’un groupe de militants de Gaza vers le Sinaï égyptien, pour attaquer à partir de là le territoire israélien. L’année dernière, il y a eu une attaque de ce genre près d’Eilat, entrainant la mort de plusieurs Israéliens. Le prédécesseur d’al-Qaisi en fut accusé et tué avant tout début d’enquête.

Alors, fallait-il, sur de telles bases, mettre en danger la vie de tant de gens, d’envoyer un million de personnes aux abris et de dépenser des dizaines de millions de shekels.

Je suppose qu’al-Qaisi a été tué parce qu’une occasion de le faire s’est présentée - comme un renseignement sur ses déplacements.

QUI A PRIS la décision ?

Les assassinats ciblés sont basés sur infor¬mation reçue du Shabak (ou Shin Bet). En pratique, c’est ce service de sécurité qui prend la décision de tuer des gens – chargé en même temps de recueillir l’information, de la contrôler et de l’évaluer. Il n’y a pas d’analyse indépendante de l’information, pas de critique, pas de procédure judiciaire d’aucune sorte. Mettre en question le Shabak revient presque à une trahison, aucun homme politique et aucun journaliste ne s’y risquerait, même s’il y était enclin – ce qui n’est pas le cas.

Lorsque le Shabak a pris la décision de tuer quelqu’un, l’affaire est confiée à un groupe restreint d’hommes : le Premier ministre, le ministre de la Défense, le Chef d’état-major de l’armée et peut-être l’officier chargé de diriger l’opération. Personne n’ayant un point de vue indépendant.

Est-ce que l’une quelconque de ces personnes a posé les questions pertinentes ? J’en doute.

Par exemple : Benjamin Nétanyahou s’enorgueillit de son énorme succès en Amérique, et même dans l’ensemble du monde : il a fait en sorte que tout le monde se montre profondément préoccupé par la bombe nucléaire iranienne (qui n’existe pas encore). La question palestinienne a été complètement rayée de la carte. Et voici qu’il engage un nouveau round de combat pour rappeler partout aux gens que la question palestinienne est toujours là de façon active, et qu’elle peut exploser à tout moment. Cela a-t-il du sens, même du point de vue d’un Nétanyahou ou d’un Barak ?

UN AUTRE aspect politique intéressant de ce “round” a été le rôle qu’y a joué le Hamas, ou plutôt qu’il n’y a pas joué.

Le Hamas gou¬verne la bande de Gaza. Le gouvernement israélien ne reconnait pas officiellement ce gouvernement, mais d’une certaine façon il tient encore le Hamas pour responsable de tout ce qui se produit dans la Bande, que le Hamas y soit impliqué ou pas.

Jusqu’à présent le Hamas a engagé le combat à chaque fois qu’Israël a attaqué des objectifs à Gaza. Cette fois, il est resté en dehors du conflit, et il a même insisté sur ce fait dans des interview télépho¬niques sur la télévision israélienne.

Pourquoi ? Le Hamas est étroitement lié aux Frères Musulmans qui dominent en ce moment le parlement égyptien. Il est soumis à des pressions pour constituer en Palestine un gouvernement d’unité avec le Fatah et pour rejoindre l’OLP. En prenant part à la lutte armée contre Israël en ce moment il aurait compromis la chose. D’autant plus que le Jihad Islamique a des liens étroits avec l’Iran, le rival de l’Égypte et de l’Arabie Saoudite.

LES CORRESPONDANTS DE LA TÉLÉVISION ISRAÉLIENNE ont l’habitude insupportable de conclure leurs reportages par une phrase désespé¬rément banale. Par exemple un reportage sur un accident de la route va presqu’invariablement se terminer par les mots : “… et il (ou elle) ne demandait qu’à rentrer chez lui (ou elle) sans accident.”

Cette semaine, presque tous les derniers rapports sur le gâchis dans le sud se terminaient par ces mots : “Le calme est revenu dans le sud – jusqu’à la prochaine fois !”

Tout le monde estime que “la prochaine fois” les roquettes qui viendront de Gaza auront une plus grande portée et qu’ils atteindront peut-être les fau¬bourgs de Tel Aviv, et tout le monde en Israël espère que le Dôme d’Acier va devenir encore plus efficace.

D’ici là, tout est calme sur le front sud.

[Traduit de l’anglais « All Quiet on the Southern Front » pour l’AFPS : FL]

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